Le Coq – Réaction du groupe socialiste au conseil communal

Oct 19, 2017 | NOS ACTIONS

Des citoyens ont interpellé le conseil communal de ce jeudi 19 octobre au sujet du Café Le Coq. Willy Decourty est intervenu au nom du groupe socialiste.

Mesdames, Messieurs,

Le groupe socialiste exprime bien évidemment sa solidarité avec les exploitants du café « Le Coq ». Nous le faisons parce que nous sommes face à une injustice et face à un abus de pouvoir. Nous le faisons parce que ce combat du Coq est l’illustration type d’un phénomène qui, en quelques dizaines d’années, a contribué à bouleverser profondément le secteur brassicole dans notre pays avec des conséquences non négligeables sur la mixité sociale, sur la vie de quartier mais aussi sur l’emploi.

Ce Coq, qui a sorti ses ergots, s’est dressé devant le géant, le numéro un mondial de l’industrie brassicole : AB Inbev. Sa révolte prend dès lors une valeur symbolique qui dépasse largement le simple fait de survivre, de sauver un petit commerce en danger, car elle oriente indirectement le projecteur sur des centaines et des centaines de tenanciers qui se trouvent dans la même situation, étouffés par la pression d’une entreprise monopolistique.

Le coup d‘envoi a été donné en 1987 avec la fusion des brasseries Artois et Piedboeuf qui a donné naissance à Interbrew, dont le capital était réparti entre huit familles aristocratiques de notre pays. Cette fusion va donner l’opportunité au nouveau groupe de se lancer dans une large campagne d’acquisitions de brasseries belges mais aussi de brasseries étrangères y compris en Russie et en Chine. On pourrait passer des heures à énumérer la succession de ces acquisitions tant les tentacules de cette pieuvre ont été envahissantes. Pour mémoire, je rappellerai trois étapes importantes : le rachat en 1995 de la brasserie canadienne Labatt qui hisse Interbrew au niveau d’une entreprise de classe mondiale ; la fusion en 2004 avec le géant brésilien Ambev qui la fait grimper d’un échelon et lui confère un nouveau nom de baptème « Inbev » ; et, en 2008, la main mise sur le 4e plus grand brasseur mondial, l’américain Anheuser-Busch. AB Inbev, dernière appellation du groupe, est désormais le numéro un qui détient à lui seul 25% du marché mondial de la bière.

Vous allez dire que le rappel de cette saga n’aura pour effet que de souligner notre impuissance face à ce monstre tentaculaire. C’est vrai que le combat semble perdu d’avance mais il a au moins le mérite de rassembler des gens pour qui la convivialité, le savoir-vivre, la solidarité, la mixité sont des valeurs qui dépassent de loin les milliards et les milliards de chiffre d’affaires d’AB Inbev. C’est pour cela que nous, les politiques, devons être solidaires. Aussi parce que le monopole de ces hommes d’affaires ne se limite pas seulement à vendre simplement leurs produits, leur avidité justifie également de mettre tout en œuvre pour s’assurer la mainmise sur d’autres secteurs susceptibles de gonfler leur succès.

Il est loin le temps où le cafetier était propriétaire de son établissement ou le louait tout simplement à un propriétaire qui n’avait rien à voir avec la brasserie… La liberté de s’approvisionner chez l’un ou l’autre fournisseur était monnaie courante et la concurrence exerçait ses droits. Aujourd’hui, cette opportunité est devenue l’exception. Nombreux sont les établissements qui sont entrés de gré ou de force dans le giron de la brasserie toute puissante et celle-ci impose sa marchandise et ses règles de gestion, elle fixe les prix, y compris pour le nettoyage des pompes… Si l’on ajoute à cela le rachat progressif des dépôts au bénéfice exclusif des seuls produits de la brasserie, on comprendra aisément que la marge de manœuvre du petit cafetier est désormais réduite à sa plus simple expression.

Chaque rachat ou fusion importante a fait l’objet de restructurations qui ont provoqué de nombreuses pertes d’emploi et bon nombre de conflits sociaux ; et, à ce jour, c’est la fonction du café comme élément de liaison, de cohésion et d’échanges sociaux, tous milieux confondus, qui est mise en péril par la toute puissance de groupes qui préfèrent leur privilégier des établissements à la mode, implantés dans les quartiers chéris des bobos, et dont le débit est plus significatif que le bistrot de quartier.

Voilà pourquoi il faut encourager le combat du Coq, devenu symbolique, si l’on ne veut pas que la bière que nous dégustons, même sucrée, ne soit tout à fait amère à boire…

Willy Deccourty

Willy Deccourty

Conseiller Communal